La constitutionnaliste et professeur à l'UMONS, Anne-Emmanuelle Bourgaux était notre invitée ce lundi pour commenter l'actualité politique et la gestion de la crise sanitaire dans notre pays. Elle a notamment co-signé une carte blanche intitulée " Coronavirus : le retour à l’Etat de droit est une urgence absolue"
La fin ne justifie pas les moyens !
"On est dans l'exceptionnalité depuis la mi-mars" commente Anne-Emmanuelle Bourgaux. " On a adopté du droit en urgence de manière provisoire dans les différents niveaux de pouvoir, or, la fin ne justifie pas les moyens. Il y'a des règles constitutionnelles qui existent et ces principes ne sont pas observés pour l'instant. C'est d'ailleurs très difficile d'enseigner le droit à des étudiants car les normes changent tout le temps ! Ce sont des normes adoptées par le Ministre de l'Intérieur au niveau fédéral qui se succèdent, des circulaires au niveau de la Fédération Wallonie Bruxelles et les parlementaires sont totalement absents de ce débat, or ce sont eux que nous avons élu !" poursuit la constitutionnaliste.
"Le Covid est le crash-test de la démocratie belge ! "
Régulièrement décrié, le système politique belge a beaucoup souffert durant cette crise sanitaire. Il a aussi montré certaines limites, chaque niveau de pouvoir se renvoyant régulièrement la balle avec au final des mesures difficiles à comprendre pour le citoyen.
"Le crash-test du covid 19 n'est pas glorieux pour notre système !" explique Anne-Emmanuelle Bourgaux. " La démocratie représentative n'est pas respectée en ce moment. Les élus sont les grands absents du débat actuel et cela engendre une série d'effets négatifs. On ne prend même pas la peine du débat que ce soit au niveau du fédéral, du régional, des provinces ou du communal. Du coup, le citoyen ne sait pas comment respecter les règles et l'efficacité de la lutte est altérée par l'avalanche de normes qui lui tombent dessus. Ca joue dans la compréhension et dans l'efficacité des mesures !".
Quant à la formation récente du nouveau gouvernement fédéral, Anne-Emmanuelle Bourgaux estime qu'il faut s'en réjouir, même si cela à pris du temps.
"Bien sûr qu'il faut s'en réjouir ! On a accumulé le provisoire, l'urgent et l'exceptionnel aussi parce que nous n'avions pas de gouvernement de plein exercice. Maintenant que nous avons un, représentatif, de pleins pouvoirs, il est grand temps qu'il comprenne que la démocratie se passe au Parlement. On a créé de dangereux précédents derrière des objectifs certes louables ! ".